" Fabuler d'un autre monde que le nôtre n'a aucun sens."
J'avais noté cette fusée de Nietzsche en exergue d'un petit calepin de notes. J'aurai pu la gravée à l'entrée de notre grotte. Une devise pour les vallons.
Nous étions nombreux, dans les grottes et dans les villes, à ne pas désirer un monde augmenté, mais un monde célébré dans son juste partage. Patrie de sa seule gloire. Une montagne, un ciel affolé de lumière, des chasses de nuages et un yack sur l'arête : tout était disposé, suffisant. Ce qui ne se voyait pas était susceptible de surgir. Ce qui ne surgissait pas avait su se cacher.
C'était là le consentement païen, chanson antique.....
.....Vénérer ce qui se tient devant nous. Ne rien attendre. Se souvenir beaucoup. Se garder des espérances, fumées au-dessus des ruines. Jouir de ce qui s'offre. Chercher les symboles et croire la poésie plus solide que la foi. Se contenter du monde. Lutter pour qu'il demeure....
....Les champions de l'espérance appellent "résignation" notre consentement. Ils se trompent. C'est l'amour.
Des bribes de vies , des monceaux d'histoires, les murets sont habités...
Cette pierre déposée, agencée avec pour seul support, l'intelligence des mains, le prolongement de l'être , ce qui est au bout de soi, tout ce qui a été traversé avant...
La nature, les racines, la terre qui forment le muret. Le muret est la peau , il est livré au temps et donne à voir, à émouvoir. La pierre sèche se prête à l'homme, à l'environnement, elle est, elle est le naturel, la naturelle jonction entre la nature et l'homme, elle est création.
Des souvenirs s'y déposent, s'amalgament ..des habitats s'y mêlent..
CYRANO, [est secoué d'un grand frisson et se lève brusquement.]
Pas là ! non ! pas dans ce fauteuil !
[On veut s'élancer vers lui.]
Ne me soutenez pas ! Personne !
[Il va s'adosser à l'arbre.]
Rien que l'arbre !
[Silence.]
Elle vient. Je me sens déjà botté de marbre,
Ganté de plomb !
[Il se raidit.]
Oh ! mais !... puisqu'elle est en chemin,
Je l'attendrai debout,
[Il tire l'épée.]
et l'épée à la main !
LE BRET
Cyrano !
ROXANE, [défaillante]
Cyrano !
[Tous reculent épouvantés.]
CYRANO
Je crois qu'elle regarde...
Qu'elle ose regarder mon nez, cette Camarde !
Il lève son épée.
Que dites-vous ?... C'est inutile ?... Je le sais !
Mais on ne se bat pas dans l'espoir du succès !
Non ! non, c'est bien plus beau lorsque c'est inutile !
Qu'est-ce que c'est que tous ceux-là !- Vous êtes mille ?
Ah ! je vous reconnais, tous mes vieux ennemis !
Le Mensonge ?
[Il frappe de son épée le vide.]
Tiens, tiens ! -Ha ! ha ! les Compromis,
Les Préjugés, les Lâchetés !...
[Il frappe.]
Que je pactise ?
Jamais, jamais ! -Ah ! te voilà, toi, la Sottise !
Je sais bien qu'à la fin vous me mettrez à bas ;
N'importe : je me bats ! je me bats ! je me bats !
[Il fait des moulinets immenses et s'arrête haletant.]
Oui, vous m'arrachez tout, le laurier et la rose !
Arrachez ! Il y a malgré vous quelque chose
Que j'emporte, et ce soir, quand j'entrerai chez Dieu,
Mon salut balaiera largement le seuil bleu,
Quelque chose que sans un pli, sans une tache,
J'emporte malgré vous,
[Il s'élance l'épée haute.]
et c'est...
[L'épée s'échappe de ses mains, il chancelle, tombe dans les bras de Le Bret et de Ragueneau.]
ROXANE, [se penchant sur lui et lui baisant le front]
C'est ?...
CYRANO, [rouvre les yeux, la reconnaît et dit en souriant]
Mon panache.
L’arbre n’est point semence, puis tige, puis tronc flexible, puis bois mort. Il ne faut point le diviser pour le connaître.
L’arbre, c’est cette puissance qui lentement épouse le ciel.
Ainsi de toi, mon petit d’homme. Dieu te fait naître, te fait grandir, te remplit successivement de désirs, de regrets, de joies et de souffrances, de colères et de pardons, puis il te rentre en Lui. Cependant, tu n’es ni cet écolier, ni cet époux, ni cet enfant, ni ce vieillard. Tu es celui qui s’accomplit.
Et si tu sais te découvrir branche balancée, bien accrochée à l’olivier, tu goûteras dans tes mouvements l’éternité.
Le propre d'une intelligence, c'est de pouvoir poursuivre deux raisonnements à la fois : comprendre que les choses sont désespérées et vouloir les changer quand même."
A l’heure dîte
La nouvelle a sonné
Carburante Inédite
Oui!
L’eau pouvait brûler
Et se frottant les mains devant
L’Exponentiel
Les pontes ont célébré chanté
L’Universel
Des poètes d’état des humanistes en bourse
Nous ont écrit les textes
Censés venir d’en bas
Moi sur l’air des vacances
Je venais me baigner
Mais cendre d’océan
L’eau -oui- pouvait brûler
Avons nous eu la force
Avons-nous eu le droit
Avons-nous peint nos visages
Comme autrefois
Aux temps sacrificiels ô joies pyramidales
Quand on saignait au pal
Pour faire plaisir au Ciel
Au creux d’un coquillage
Survit encore le son
Mais je demeure sans mot
Face à ta question
«Papa comment veux-tu que je comprenne
Les mots planète bleue?
Il n'y a plus de ligne droite ni de route éclairée avec un être qui nous a quittés. Où s'étourdit notre affection? Cerne après cerne, s'il approche c'est pour aussitôt s'enfouir. Son visage parfois vient s'appliquer contre le nôtre, ne produisant qu'un éclair glacé. Le jour qui allongeait le bonheur entre lui et nous n'est nulle part. Toutes les parties — presque excessives — d'une présence se sont d'un coup disloquées. Routine de notre vigilance...
Pourtant cet être supprimé se tient dans quelque chose de rigide, de désert, d'essentiel en nous, où nos millénaires ensemble font juste l'épaisseur d'une paupière tirée.
Avec celui que nous aimons, nous avons cessé de parler, et ce n'est pas le silence. Qu'en est-il alors? Nous savons, ou croyons savoir. Mais seulement quand le passé qui signifie s'ouvre pour lui livrer passage. Le voici à notre hauteur, puis loin, devant.
À l'heure de nouveau contenue où nous questionnons tout le poids d'énigme, soudain commence la douleur, celle de compagnon à compagnon, que l'archer, cette fois, ne transperce pas.