Je ne sais de la rouille
ou du lierre celui qui me pousse ou me retient.
Mais si je croisse, si j'insuffle mes anciennes coupures, mes taillades, mes cicatrices chlorophylles, je ne saurais vouloir revivre autrement. Alors j'essaie, seulement j'essaie. Ou
j'envisage un autre sort, une destinée de ferraille inerte.
Il a pris de
moi le grain trop lourd, s'est accroché à mes entailles, rongeant ma peau d'usure. Je laisse sont entêtement manger mon souffle de fer. Il ne sait pas lui, que je suis née de la main, que j'ai
été dessinée du doigt : celui qui pointe vers le ciel, celui qui dit, qui décide et qui tranche. Le lierre ne sait pas, il grimpe, et sa certitude m'effraie.
Ce qu'il ignore, c'est la précision
de mes hésitations, ce vouloir. Et je me trouble, la lenteur de sa marche et la douleur de ses bras autour de mes brisures de lame, sa langueur et l'acuité de sa force. Je me trouble et désespère
de sentir près de son emprise, les germes sombres de ma décrépitude. Je crois céder parfois.
Ce n'est que le bleu qui me dira, que lui.
Il agitera de sa
monocorde harpe de soie les élans de la main. Et lui, le lierre, là si vert, là si tenace, arrachera sa visqueuse adhérence de mes barreaux moissonneurs. Je reprendrai peut-être le chemin de la
main, du doigt qui décline, détruit et décide. Je fendrai les herbes à bêtes encagées, je diviserai le blé de la terre pour que la main nourrisse l'enfance et l'avenir.
Il enfle vers le bleu comme je m'en approche. Né, lui, de la glaise sauvage, moi de la main. Il n'y a pas de bataille. Une simple cadence. Une échancrure sur ma peau,
une trace de vie que je n'aurai jamais.
Et le bras qui m'a faite, lourde et hachée de rayures tranchantes. La main, le lierre et moi faucheuse aux rouilles épaisses. La main d'où le ciel vacille, le lierre à qui j'attache plus qu'il ne
me retient.
Je ne sais si j'attends, je ne sais si de moi je désire.

Texte : Inta link