La tombe dit à la rose :
- Des pleurs dont l'aube t'arrose
Que fais-tu, fleur des amours ?
La rose dit à la tombe :
- Que fais-tu de ce qui tombe
Dans ton gouffre ouvert toujours ?
La rose dit : - Tombeau sombre,
De ces pleurs je fais dans l'ombre
Un parfum d'ambre et de miel.
La tombe dit : - Fleur plaintive,
De chaque âme qui m'arrive
Je fais un ange du ciel !
Je me suis depuis aguerri mais je redoute toujours le bruit, le tiens pour le correspondant actuel des pestes et famines d'autrefois. J'ai commencé un poème que j'ai dû détruire à cause du bruit régnant. Il est prodigieux de voir à quel point le bruit est contraire à l"énonciation du monde en mètre et vocable, quand il souffre sans trop de dommage qu'on use de la prose pour ce même énoncé. La prose peut, à la limite, faire assez bon ménage, quelque temps, avec lui, qui est haine ; jamais la poésie, qui est amour.
Mais suffit ! A trop en parler, c'est moi qui aurais fait le plus de bruit aujourd'hui.
Dès le matin, par mes grand'routes coutumières
Qui traversent champs et vergers,
Je suis parti clair et léger,
Le corps enveloppé de vent et de lumière.
Je vais, je ne sais où. Je vais, je suis heureux ;
C'est fête et joie en ma poitrine ;
Que m'importent droits et doctrines,
Le caillou sonne et luit sous mes talons poudreux ;
Je marche avec l'orgueil d'aimer l'air et la terre,
D'être immense et d'être fou
Et de mêler le monde et tout
A cet enivrement de vie élémentaire.
Oh ! les pas voyageurs et clairs des anciens dieux !
Je m'enfouis dans l'herbe sombre
Où les chênes versent leurs ombres
Et je baise les fleurs sur leurs bouches de feu.
Les bras fluides et doux des rivières m'accueillent ;
Je me repose et je repars,
Avec mon guide : le hasard,
Par des sentiers sous bois dont je mâche les feuilles.
Il me semble jusqu'à ce jour n'avoir vécu
Que pour mourir et non pour vivre :
Oh ! quels tombeaux creusent les livres
Et que de fronts armés y descendent vaincus !
Dites, est-il vrai qu'hier il existât des choses,
Et que des yeux quotidiens
Aient regardé, avant les miens,
Se pavoiser les fruits et s'exalter les roses !
Pour la première fois, je vois les vents vermeils
Briller dans la mer des branchages,
Mon âme humaine n'a point d'âge ;
Tout est jeune, tout est nouveau sous le soleil.
J'aime mes yeux, mes bras, mes mains, ma chair, mon torse
Et mes cheveux amples et blonds
Et je voudrais, par mes poumons,
Boire l'espace entier pour en gonfler ma force.
Oh ! ces marches à travers bois, plaines, fossés,
Où l'être chante et pleure et crie
Et se dépense avec furie
Et s'enivre de soi ainsi qu'un insensé !
Il ne se passe jamais rien, écrivait-il,
parce que tu ne vois rien, tu n'entends rien.
Tu lèves les yeux et le soleil t'éblouit,
alors tu retournes te cacher à l'ombre...
N'y a t-il rien que tu sentes, pas même un souffle d'air ?
N'y a t-il aucun soupir caché qui t'anime ?
Ne sens-tu jamais aucune présence invisible,
aucun ange qui aurait ouvert ses ailes près de toi ?
Bref, as-tu jamais vu les fées...?
"Jamais", lui dis-je.
"Eh bien", me répondit-il, "fais trois fois le tour de l'arbre,
tu vois, l'arbre là-bas... et tu les verras..."
" J'avais pris la canne de mon père et je marchais du pas des pionniers. Je voulais sortir de ce trou d'herbes où la ville ronronnait au chaud, me hisser sur le dos de chèvres des collines, et voir....voir ce pays d'au-delà. "