"Pourquoi revient-on sans cesse dans cette montagne où il n’y a rien, à part des cailloux et des arbres rabougris?
Sur les crêtes c’est pareil ! A perte de vue c’est la même chose, des rochers et du vert dessus, parfois un peu de blanc, comme en ce moment.
Mais, en fait, c’est un grand, un immense « RIEN ».
Pourquoi j’y reviens fièrement avec des inconnus et depuis si longtemps, comme si j’avais là un trésor caché à montrer à des amis choisis ?
Pourquoi ces inconnus, citadins pour la plupart, une fois parvenus au sommet contemplent ce rien sur 360° et, muets, me regardent avec ces yeux là ?!
Comme s’ils étaient tout à coup devenus les rois d’un monde, ce monde silencieux qui n’appartient à personne et qui existe pour être partagé et faire du bien.
Le silence de la beauté nue, beaucoup ne l’avaient jamais goûté jusqu’ alors.
Et ils y reviendront, en espérant qu’il y soit toujours.
Mais enfin, on ne pourrait pas leur mettre un peu d’animation dans ce désert ?!
Pourquoi ne pas imaginer d’y ajouter 8 demi-Tour Eiffel, tête en bas, avec trois pieds tournants à 150 m de haut ?
On les verrait de très loin, ça ferait un beau petit bruit de turbine, ça ferait venir du monde, quelques petites ginguettes, pourquoi pas ? Mais surtout, ça rapporterait quelques gros sous à certains !!!
Il y aurait TOUT !
TOUT ou RIEN, je choisis le rien existant, parce que celui-là me nourrit et me nourrira jusqu’ à la fin de mes jours.
Je n’ai que ce rien-là à perdre ; c’est pourquoi j’y tiens tant et que je ne lâcherai RIEN."
Hubert Blond
Extrait de compte rendu de réunion des "Amis de la montagne de Lure" opposé au projet Éolien du Contadour
Here comes the sun, here comes the sun, and i say it's all right
Little darling, it's been a long cold lonely winter little darling, it feels like years since it's been here here comes the sun, here comes the sun and i say it's all right
Little darling, the smiles returning to the faces little darling, it seems like years since it's been here here comes the sun, here comes the sun and i say it's all right
Sun, sun, sun, here it comes...
Little darling, i feel that ice is slowly melting little darling, it seems like years since it's been clear here comes the sun, here comes the sun, and i say it's all right
It's all right.
« On » je ne sais pas. Moi, je me demande bien pourquoi je suis là, à jouer une symphonie clavière ponctuée par mon four ; oui, mon four, qui accompagne, fait le choriste en dégageant, juste pour les narines heureusement pourvues de poils vibratiles prévues à cet effet par une nature plutôt affûtée, une note dièse caramélisée à souhait dans la tiédeur naissante d’une tatin en cours d’alchimie.
Au fond, la poésie est là, comme partout ailleurs, jonchée en feuille automnale, dansante en flocon, tremblotant au soleil, lunaire de nuit et rieuse dans l’eau. À ceux qui voient la feuille, la nuit, la chaleur, l’eau et le flocon comme des choses traduisibles.
En mots, de préférence, si possible parlants (car il est des mots muets comme la tombe). Parlant à tout, oreilles comprises. Tout : le corps, les pieds, la tête, inclus le mystère de cet empoté contenant, la part de lumière, l’ombre douce, l’âme.
C’est si beau en soi, ce mot à la résonnance de soupir, que l’amour contient en syllabe inaugurale prononcé à bouche ouverte comme absorber, happer, abolir. Voilà bien les tâches premières de toute poésie qui se respecte. Absorber la beauté des choses, happée pour qu’elle demeure, abolir la fin de l’instant, un peu comme la photo. Oui, la poésie c’est des mots photographes. Les plus chanceux ont toujours l’appareil sur eux…
Il s’agit, j’insiste, d’une forme de traduction, un vaste décodage, mais qui sublime, arrange, déforme. Je l’aime, la poésie, pour sa facétie de sale et délicieuse gamine, qui la fait surgir de la poussière sur un livre, d’une chevelure en désordre, d’un moment, du cerveau de Rimbaud ou d’un abribus.
Je sens bien l’absence de toute vraie réponse dans tout cela. Mais importe-t-il qu’il y en ait une ?
Je crois de toutes mes forces à la seule réponse qui soit, en écho à cette question-là.
Pourquoi on aime ça la poésie ?
Parce que.
Le véritable solitaire, surtout s'il a choisi de vivre près de la nature, n'est pas un prédateur.
Il se sent frère de l'arbre, de la rivière, du rocher et de l'araignée.
Et cela le rend humble et doux.
Il se sent aussi responsable de la beauté du monde et cela lui rappelle ses devoirs d'homme, sa puissance intérieure capable de tout transformer.
Peut-être l’idée est-elle d’aller aussi loin que possible – jusqu’au bout de soi-même – jusqu’à un territoire où le temps se convertit en espace, où les choses apparaissent dans toute leur nudité et où le vent souffle, anonyme.
La pierre se transforme en énergie. Elle ajoute sa puissance à la puissance de l'homme. Tout serait bien si la puissance de l'homme était capable de rester maîtresse de cette alliance, or......
Qu'est donc l'équilibre d'un organisme en mouvement, sinon une lutte perpétuelle pour rétablir le jeu des forces contraires et pour créer un accord d'autant plus beau qu'il est instable et menacé ?
Le berger prend l’enfant dans ses bras en corbeille.
Il souffle sur la bouche du petit.
« Le vert de l’herbe », il dit.
Il souffle sur l’oreille droite du petit.
« Les bruits du monde », il dit.
Il souffle sur les yeux du petit.
« Le soleil. »
« Bélier, viens ici. Souffle sur ce petit homme pour qu’il soit, comme toi, un qui mène, un qui va devant, non pas un qui suit. »